mardi 5 octobre 2021

LA FONTAINE SAINTE-MARIE à ROUEN

-LA FONTAINE STE-MARIE : ensemble architecturale symbolisant la ville de ROUEN-

Quand un Rouennais ouvre un robinet d'eau sait-il d'où elle vient ?

C'est un geste tellement ordinaire de nos jours qu'il en ignore l'origine et pourtant il est ancré depuis la nuit des temps au site exceptionnel de la capitale de la Normandie.

Entre Paris et Le Havre, seul endroit où 1800 mètres séparent le nid de la Seine des contres-forts du plateau calcaire, la ville de ROUEN est située sur une tête de méandre de la Seine vers laquelle s'abaissent des collines en amphithéâtre dont les vallées facilitent les échanges avec l'arrière pays.

 

-Allégorie de la ville de Rouen et à droite de l'élevage-

21 sources d'eau potable ont toujours alimenté la vieille cité close par des remparts depuis 1346, ce qui lui permit de mieux résister aux malheurs du temps, aux sièges des ennemies, et de favoriser les sources d'énergies par la construction de nombreux moulins.

Rue Louis Ricard, à 39 mètres d'altitude, dans l'alignement de la rue de la République et de la place Charles de Gaulle (Hôtel de Ville), la Fontaine Sainte-Marie, imposant monument de la fin du XIX° siècle, cache un colossal réservoir d'eau potable.

C'est une œuvre architecturale et artistique collective bâtie à l'emplacement d'un ancien cirque.

Cette fontaine est un terrain majeur de l'histoire sociale (Voire l'article ci-dessous sur le Livre des Fontaines).

On lui reproche sa lourdeur froide dépourvue d’âme, due au nombre excessif de ses symboles allégoriques.

La plupart des rouennais passent en effet devant sans lever les yeux, totalement indifférents et pourtant ils boivent tous les jours de l'eau issue du réseau souterrain complexe de distribution de cette source de vie.

 -Allégorie de l'Agriculture-

Il faut se rendre compte de la révolution des mœurs à la fin du XIX° siècle qu'apporta l'eau courante pour l'hygiène personnel et la salubrité publique. Au niveau de la santé publique, certaines épidémies comme la typhoïde, furent maîtrisées grâce à l'eau potable accessible à tous les ménages.

L’architecte Edouard de Perches gagna le concours organisé par la commune et il construisit de 1874 à 1879 cet ensemble.

Les sculptures animalières ont été réalisées par Alexandre Falguière ; le cheval central, le bœuf, les personnages symbolisant l'agriculture et l'élevage par Victor Peter; les enfants symbolisant les rivières de l'Aubec et du Robec par Alphonse Guilloux. Tout ce petit monde sombra dans l'oubli.

 

-La statue de LA SOURCE-
(Carte postale)

Seule une très jolie statue malencontreusement cachée aux yeux du public garde toute sa valeur artistique : "La Source", sculptée par Alphonse Guilloux, initialement prévue pour le square Solfirino face au Musée des Beaux Arts mériterait de rejoindre cet emplacement pour lui rendre justice en étant visible par les passants ou les visiteurs de la vieille ville.

La Fontaine Sainte-Marie avec son massif vaisseau voguant sur l'Aubette et le Robec, reste pourtant un intéressant témoignage de l'art sculptural de la fin du XIX° siècle.


JACQUES LE LIEUR ET LES CANALISATIONS D'EAU A LA RENAISSANCE 

-Jacques Le Lieur remet son Livre des Fontaines aux échevins de Rouen le 30 janvier 1526 -(Illustration du Livre des Fontaines)-


En 1519 Rouen exploite 3 sources d'eau potable pour environ 35 000 habitants : Gaalor, Carville et Yonville.

La source Gaalor, à proximité de la gare rive-droite, est une des plus anciennes de Rouen. Son nom, d'origine galloise, signifie "la boue, la fange"; mais au Moyen-Âge les rouennais l'appelaient plus crûment "la Fontaines des putains".

La source Carville est située à l'Est de la ville, dans la vallée de Darnetal. C'est le cardinal Georges 1er d'Amboise, grande figure de la Renaissance, qui ordonna sa captation pour fournir 1200 m3 d'eau par jour dans le quartier très populaire de Saint-Hilaire (Voire rue Eau de Robec et les teinturiers). Avant la Révolution, l'Abbaye de Saint-Ouen était la propriétaire de cette vallée. Aujourd'hui les maraîchers continuent à exploiter ces terres fertiles et vendent leur production sur les marchés locaux. 
Voire le beau reportage de Gi-Heff sur son blog : 

La Source d'Yonville, appelée "Source Saint-Filleul", captée en 1510, grâce à Guillaume Le Roux, au pieds de Mont-Saint-Aignan, fournissait 160m3 d'eau.

-Rouen à la Renaissance (illustration du Livres de Fontaines)-


Vieux de 500 ans le "LIVRE DES FONTAINES" (1526) est un précieux document iconographique, unique en Europe, qui présente les trois principales sources et décrit très précisément  le cheminement de l'eau potable par des galeries souterraines vers les 18 autres fontaines du centre de Rouen. Cet ouvrage, étonnant de précision pour l'époque, est une référence mondiale encore de nos jours.

-Le coffret contenant le Livre des Sources- 

-Sur 9,5 mères de long, les parchemins relèvent le plan hydraulique de Rouen-



Sur de grandes bandes de parchemin soigneusement pliées sont peints les monuments, les rues avec leur nom, les enseignes de l'époque en représentant avec une précision inouïe le réseau hydraulique de la cité :





-Le cours de la Fontaine de Carville (Darnétal) : le Robec et un de ses moulins-



Jacques Le Lieur, notaire-secrétaire du roi de France, conseiller de la ville de Rouen, député aux Etats de Normandie, poète, en est l'auteur génial




Pour l'anecdote, en 2012, des travaux ont percé par erreur rue Verte un aqueduc millénaire (souce Gaalor) dont la position avait été pourtant consignée au mètre près par Jacques Le Lieur en 1526. 
Les riverains se souviennent des importants dégâts provoqués par cette erreur de chantier. 18 rue Verte, un immeuble et un magasin d'épicerie fine menaçant de s'effondrer sont encore évacués et interdits d'accès.