PETITE HISTOIRE

LE GROS-HORLOGE CACHE BIEN SON JEU.

Quand San-Antonio s'en mêle pour vous conter l'histoire du premier horloger responsable du mécanisme du Gros-Horloge de Rouen, son adjoint "l'infâme Bérurier" n'est pas loin. 

C'est ce dernier que j'ai choisi pour caricaturer cet important personnage qui, de 1527 à 1547, fut chargé de l'entretien et du bon fonctionnement du mécanisme de l'horloge astronomique. 

Ce garçon n'était pas un ignare mais un bon technicien connaissant son métier car le mécanisme complexe avec l’œil de bœuf supérieur indiquant les phases de la lune, le semainier avec les signes du Zodiac et enfin l'aiguille unique indiquant les heures et les minutes devait se coordonner parfaitement sans se dérégler au fil du temps. Remarquez les fenêtres sur le bâtiment car elles jouent en rôle dans cette petite histoire.

-Le Gros Horloge de Rouen-

A la Rochelle ou à Bordeaux existent une grosse horloge monumentale mais Rouen ce distingue par le masculin. 

 Pourquoi donc ? 


A la mise en service  en 1529 du mécanisme sur l'arche construite au dessus de la rue, les rouennais médusés découvrirent des indications de la plus grande importance : chars de triomphe défilant au rythme du jour, les signes du Zodiac et la figuration des métiers en vogue, les phases de la lune... Oui l'horloge est unique et précieuse pour rythmer la vie quotidienne de l'activité commerciale et artisanale de la rue la plus commerciale et donc importante de la ville. 


Tous les Rouennais connaissent le monument prestigieux de leur cité, mais gageons que presque tous ignorent pourquoi on l'appelle " LE GROS-HORLOGE" et non pas "La Grosse-Horloge" comme à la Rochelle ou à Bordeaux. 

La morale et les bonnes mœurs exigent que je ne choque pas mes lecteurs en dessinant l'horloger tel qu'il était...
-Gros-Horloge, tel que je l'imagine selon un dessin détourné de Henri  Desclez-

 Et si l'histoire n'a pas retenu son nom mais seulement le quolibet par lequel on l'appelait, c'est qu'il était physiquement vraiment très, très laid, obèse à la peau adipeuses. "GROS-HORLOGE", car tel était son surnom, était une préfiguration du "Béru", fidèle compère de San Antonio, et comme le héros de Frédéric DARD, la nature l'avait doté d'un "engin" viril hors du commun qui faisait le bonheur de certaines dames en quête de sensations fortes et qui s'ennuyaient au lit avec leur mari. En plus, un brin exhibitionniste le bonhomme était très fier de ses attributs que nul n'ignorait.

Le vilain parlait lui même de "son cadran solaire" qui "bandait comme un bourricot". Son succès auprès de la gentes féminine fut, dit-on, immense. Allez savoir pourquoi ? 

Toujours à l'ouvrage, il aimait innover et lui prit la fantaisie de vouloir un soir besogner une nouvelle conquête sur le rebord de la fenêtre. Il mit tant de vigueur à la manœuvre qu'il bascula dans le vide et s'écrasa comme une bouse de vache sous l'arche de notre emblématique monument.

La petite histoire ne dit pas si le Diable vint s'emparer de son âme pécheresse, mais bien des maris jaloux remercièrent Dieu de sa justice, et la mort de "Gros-Horloge" fut la victoire des cocus !

Depuis lors, notre célèbre monument prit définitivement le genre masculin et si on oublia vite son premier horloger, et pour cause, son quolibet devint la fierté des Rouennais dont l'honneur était sauf par le rétablissement la bonne morale comme il se doit dans le quartier le plus chic de la cité.


  


LE MOINE ET LA BELLE

Un coquin, Satan et Saint-Michel

-Illustration de la légende (Rouen)-

Entre l'an 942 et 996, sous le règne du duc Richard 1er, une nuit le "sacristain" de l'abbaye Saint-Ouen quitta furtivement le "moutier" et courut conter fleurette à une belle dame qui résidait au bord du Robec et dont le mari était parti vendre sa laine sur le "marché d'Harfleur " à la Saint-Martin, au mois d'avril comme tous les ans, pour l'exporter vers l'Angleterre. 


 Mais en franchissant le "ponchel", il trébucha et se noya dans le Robec.
Satan allait s'emparer de cette âme coupable quand saint Michel lui barra la route. 
Ils se disputèrent comme des chiffonniers l'âme du défunt pour finalement demander l'arbitrage de Richard 1er. 
"Lâchez cette âme, prononça le "Salomon" de l'époque, qu'elle regagne son corps ! Si le moine entre chez la belle, il est à toi, Satan ! S'il retourne à l'abbaye, il sera tien, Michel !"

Le ressuscité, transi et grelottant, n'ayant plus du tout l'esprit à la bagatelle, fila d'un trait vers sa cellule monastique. Il était sauvé ! 

 Mais moralité de l'histoire : lorsque les gamins espiègles croisaient un moine de l'abbaye, rue eau de Robec, ils lui lançaient cette insolente moquerie : "Beau frère, attention au ponchel !" 
Ils étaient clairvoyants, c'est le moins qu'on puisse dire, ces fripons, sur la moralité des premiers moines de l'abbaye... 


Cette légende nous fut transmise par Robert Wace, un chroniqueur du XII° Siècle.Je la raconte aujourd'hui à ma façon sans doute avec quelques libertés avec le texte original dont la finalité était sans doute toute autre que la mienne.


Entre-nous, cette petite histoire amusante est un moindre mal face au fléau de la pédophilie. Je souris donc à ce brave moine et à sa belle  qui me regardent peut-être du paradis lorsque je raconte leur histoire ? (5 octobre 2018)

 Notes : 
  •  "Sacristain" = moine chargé d'ouvrir les portes de l'abbaye 
  • "Montier" = monastère 
  • "Ponchel" = petit pont en vieux français
  • "Salomon" est un roi hébreux qui prononça un célèbre jugement de sagesse dans la Bible ( Premier livre des Rois, chapitre 3, versets 16 à 28
  • "Marché d'Harfleur" : un des plus anciens de Normandie. Les échanges commerciaux avec l'Angleterre furent importants dès le Haut-Moyen-Âge au niveau de l'exportation de la laine.