ARCHITECTURE

MA CATHÉDRALE DANS UNE MAISON GOTHIQUE


-Aquarelle : "Cathédrale brune au lever du soleil" (Rouen)-



Ma cathédrale "brune au lever du soleil", une aquarelle, est arrivée chez des amis rouennais qui possèdent une des rares maisons gothiques de 1489, rue des Requis. Elle se caractérise par un double encorbellement dit primitif, donc leur maison est antérieur à 1520 car les encorbellements furent interdits à partir de cette année.



D'après l'ouvrage de référence d'Alain GASPERINI, les pans de bois espacés et le décor très simple des sablières, des linteaux et pigeards, des poteaux d'angle et le double encorbellement permettent de dater cette demeure assez précisément. 



"Le poteau du rez de-chaussée porte le sommier et s'évase vers le haut en formant le pigeard. Sur celui-ci est directement posé la sablière base du premier étage, lui-même à encorbellement. Les poteaux d'angle montent sur toute la hauteur des étages et les colombages et écharpes très espacés, font aussi toute la hauteur de l'étage.

Les fenêtres sont formées de baies contiguës, séparées par des meneaux verticaux. Chaque baie est divisée par une traverse horizontale. Dans la partie supérieure, c'est un imposte fixe qui a reçu huit médaillons en vitrail d'art (à l'origine ces impostes recevaient un parchemin huilé pour le rendre translucide. La fermeture de la partie basse ouvrante se faisait par un volet formé de planches coulissantes." (Page 4)




Ce qui est admirable, c'est que le propriétaire restaure lui-même sa maison et qu'il fit à la main la restauration complète des sablières moulurées, des meneaux, des piedroits, des allèges, des entretoises, des impostes, des assemblages... Bref, sauf la toiture refaite par un couvreur agréé imposé par la ville de Rouen, tout le reste est passé par ses mains... Moi-même, ayant reçue une formation de menuiserie après mon diplôme de "psychagénésiste",  je peux témoigner de la richesse technique de cette singulière restauration.


Une remarque : le grenier de séchage de l'artisan originel a été fermé, au début sans doute du XX° siècle, dans le style du XVIII° siècle avec la croix de saint-andré. Ce petit bémol ne retire pas le charme de cette maison gothique et vraiment chapeau bas devant tout ce travail fait d'amour, de compétence et d'ingéniosité. C'est la maison d'une vie...et d'une passion...


Ce couple me fait l'honneur d'accueillir mon humble "cathédrale brune au lever du soleil" et d'ici peu, je m'attaquerai au dessin de leur superbe maison.


C'est très impressionnant de visiter une telle maison chargée d'histoire artisanale, de coutumes de vie. 

Par exemple ces maisons à pans de bois ne possédaient pas de cheminée et les habitants étaient condamner à grelotter ou à brûler des petits fagots de bois en fermant les volets au centre de la pièce à vivre, avec la fumée et le risque majeur d'incendie. 


On ne sort donc pas intact d'une telle visite car c'est une maison qui exprime les mystères du passé. 


La peindre sera un réel plaisir et va me demander de la réflexion notamment sur la perspective.  A suivre donc...



LES MAISONS A PANS DE BOIS ET LEURS SECRETS




-Sur cette photo pas moins de 6 siècles de constructions de maisons à pans de bois-

Quand nous sortons de la cathédrale par le portail des Libraires, un endroit stratégique nous place idéalement pour contempler 6 siècles de constructions comme nous le montre cette photographie : à gauche la maison de l'Oeuvre du XV° siècle, à droite, un maison Renaissance italienne du début du XVI° siècle, à l'angle une demeure aux fenêtres arrondies du XVIII° siècle et à sa droite, en jaune, une maison recouverte de plâtre du XIX° siècle, pourtant à pans de bois , tout au fond, on devine des maisons du XVII°siècle. Tout à droite l'agence du ferronnier Ferdinand Marrou du début du XX° siècle, style Art Nouveau.



-Sortir de la cathédrale par la cour des libraires-
-Portail des Libraires-


La rue Saint-Romain est vraiment la plus intéressante des rues pour comprendre l'évolution des systèmes de construction des maisons à pans de bois et d'avancer leur datation avec l'aide d'un essai de typologie d'Alain Gasperini.

Cette rue est une ancienne voie romaine dont le niveau se situe à 4 mètres en dessous du sol actuel  Elle fut l’une des principales rues du Rouen médiéval et menait hors de la ville en direction de Paris.


Camille Pissaro

Camille Pissaro, peintre impressionniste (1830-1903) s’exclame dans une lettre : « Si tu voyais la rue Saint Romain, c’est épatant ! » Voici un de ses remarquables croquis actuellement mis en vente aux enchères :

-L'archevêché du XIV° siècle (à gauche)- 

L’archevêché du XIVème évoque intensément le Jugement de Jeanne-d’Arc au XVème. Remarquer un pignon ajouré d’un vestige de fenêtre : le seul reste de la chapelle où se tint la séance solennelle du procès de Jeanne d’Arc, le 29 mai 1431, et où fut proclamée sa réhabilitation en 1456.




A propos des maisons à pans de bois, en 1634, Pierre Corneille fait dire à Matadore, dans sa pièce « L’illusion comique » :
« Oui, mais les feux qu’il jette en sortant de prison auraient en un moment embrasé la maison, dévoré tout à l’heure ardoises et gouttières, faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes, filières, entretoises, sommiers, colonnes, soliveaux, pannes, soles, appuis, jambages, traveteaux ! »
Que voilà résumé un superbe traité de charpenterie par Corneille qui vécut entouré de ces maisons dont je vous suggère de découvrir les subtilités. 
En effet, comment dater les maisons à pans de bois?



-Cette illustration est tirée de "Seine-Maritime" (Collection Gallimard)

Je vous propose donc d'abord d'observer les différences sur la construction de ces maisons dans cette rue avec des photographies pour ensuite, avec des dessins d'Alain GASPIRINI, approfondir le sujet. 

LES MAISONS ET LEUR ÉVOLUTION 


-vocabulaire spécifique au maisons à pans de bois d'après A. Gaperini-

Il est important de rappeler qu'avant le XIV° siècle, les maisons étaient recouvertes d'un toit en chaume et donc aucune avec les nombreux incendies qui ravagèrent la cité ne subsiste ; seulement une dizaine de maisons du XIV° siècle sont encore, par miracle sauvegardées. 


XIVème siècle : N° 56 (à droite en sortant du portail des libraires)



-Deux maisons du XIV° siècle face à l'archevêché-


Cette maison a un pignon triangulaire sur rue, c’est à dire que le toit à double pente est perpendiculaire à la rue. 
  • Les poteaux d’angle de la maison sont d’une seule pièce sur la hauteur de deux ou trois étages, au dessus de l'encorbellement et de la pièce maîtresse de la sablière sur laquelle  les poteaux d'angle reposent. 
  • La charpente est robuste avec de rares écharpes (pièces obliques). 
  • Les impostes sont garnies avec du parchemin ou papier huilé. 
  • Les volets en bois plein coulissent verticalement. 
  • Cette maison fut construite avant l’Archevêché qui date aussi de ce siècle, car les façades (les bois) étaient alors assemblées à terre et levées ensuite. 

Ce dessin de Gaperinie représente la maison située au 61, rue Saint-Vivien. Sa vue latérale permet  de comprendre le système de construction du XIV° siècle. (Les dessins restituent les maisons comme à leur origine sans tenir compte des restaurations postérieures)
  
-Encorbellement primitif, rue du Petit Monton à Rouen-

Une autre maison à encorbellement primitif est vraiment à voir rue du Petit Mouton, près de l'Hôtel de ville et de l'abbaye Saint-Ouen. Les étages forment une saillie sur le rez-de-chaussée dont les poteaux portent le sommier et s'évasent vers le haut en formant les pigeards.
Elle abrita les amours de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir entre 1932 et 1934, lui était professeur de philosophie au Havre et elle enseignait la littérature au lycée Jeanne d'Arc, pour jeunes-filles,alors situé boulevard de la Marne à Rouen. Ils se retrouvaient souvent au café "Métropole" où ils écrivaient ensemble. C'est un café classé monument historique (1920) que je vous présenterai bientôt.

XV° siècle : N° 11 « La vieille Maison »



Cette maison, à gauche, dite "Vieille maison"  est considérée par de nombreux Rouennais comme la plus ancienne de la cité. Ils se trompent car elle date du début du XV° siècle et se nomme en réalité "Maison de L'Oeuvre".

 Je vous renvoie pour en comprendre le système de construction, la maison située 7, rue de la Pie, avec dans sa cour intérieure un excellent restaurant gastronomique que je recommande, "Les Nymphéas", face à la maison natale de Pierre Corneille (musée).


-7, rue de la Pie : XV° siècle-

Le dessin  de Gaperini présente aussi ses caractéristiques avec l'avantage d'avoir garder son échoppe  et ses volets en bois.



  • Plus de hauts poteaux d’angle, les étages sont édifiés les uns après les autres en forme  d’encorbellement .
  • Les étages supérieurs font saillie sur la rue, en avant de l’aplomb des étages inférieurs ; il s’agit de gagner de la surface de plancher dans une ville ceinte de murs où l’espace au sol est rare et sur lequel était calculé l’impôt foncier. l’allure générale reste austère.
  • Au dessus de l'échoppe, au niveau des pigeards et de l'encorbellement des impostes avec des vitraux laissent passer la lumière dans l'échoppe.
  • Les assemblage des poteaux d'angle sont en demi-enfourchement.
  • Les impostes supérieurs fixes sont munis de vitraux.
  • Les fenêtres ouvrantes restent munies de volets en bois.
  • Les colombages avec la croix de  Saint-André commence à s'imposer sous les fenêtres.
  • Le solin à la base de la maison devient en pierre (calcaire) avec un soupirail grillagé quand la maison comprend une cave .
-Salle des Mariage (Photo Jacques Charrat)

Cette superbe maison "des Quatre-Fils-Aymond", 185 rue Eau de Robec, à l'angle de la rue Pont de l'Arquet est devenue le "musée de l'éducation". Elle fut construite au XV° siècle par une famille de riches négociants. 
Elle suivit la triste décadence du quartier et devint une auberge mal fréquentée. Les clients les plus riches avaient droit à une chambre dans les étages, tandis que les pauvres ne pouvaient dormir qu'assis les bras appuyés sur une corde tendue à travers la pièce. Surnommée "Salle des mariages" par les rouennais car les clients s'y voyaient proposés des unions plus qu'éphémères par les servantes et des prostituées, comme d'ailleurs dans la plupart des hôtelleries de l'époque.

XVIème siècle : N° 74

-74 rue Saint-Romain à Rouen-

Cette superbe maison de type Renaissance italienne du début du XVI° siècle (1523) comprend encore un triple encorbellement.
Si c'est le même système de construction qu'au XV° siècle,  les pièces de la charpente sont ornées d’un décor gothique sculpté : statuettes, pinacles. Les croix de Saint-André apparaissent aux allèges des fenêtres.



Après 1523, les encorbellements sont interdits (officiellement pour faire circuler l’air afin de lutter contre la Peste mais plus logiquement pour suivre l’influence italienne). La façade devient plate, mais, en vue de face, la silhouette de la maison reste la même, c’est à dire à pignon sur rue. 
Le décor Renaissance remplace peu à peu le décor gothique (exemple le N° 161 rue du Gros horloge).
Quelques années plus tard, le pignon sur rue est abandonné au profit d’un toit parallèle à la rue orné d’une grande lucarne à fronton triangulaire aplati (exemple le N° 146 rue de Gros Horloge).
La maison dessinée, du 194 rue de Martainville est caractéristique de la Renaissance au XVI° siècle. Remarquer qu'elle est dédoublée sur la photo  jointe :
-Cette même maison est en réalité dédoublée rue Martainville-




-Maison fin du XVI° Siècle de la fin du XVI° sièclen 197 rue du Gros Horloge-
-197 rue du Gros Horloge vue de côté-


XVIIème siècle : N° 28, 2 à 24, 76.




Les croix de Saint-André sont quelquefois  recroisées.
Invention des « décharges couplées » : au dessus du rez-de-chaussée, deux grosses poutres placées en oblique ont pour but de reporter le poids de la façade sur les murs de côté permettant d’alléger les murs du rez-de-chaussée (N°28).





Le rez-de-chaussée est parfois construit entièrement en pierre (N° 2 à 24).
Sous Louis XIII, le premier étage est très élevé (N° 76).

- La faïencerie du 26 rue Saint-Romain-

Je vous recommande tout spécialement ce faïencier car c'est le seul sur la place de Rouen à travailler à l'ancienne. Je possède une excellente imitation d'un pot d'apothicaire de Masséot ABAQUESNE (1526) dont je reproduis la photo ci dessous :





- 45 rue Cauchoise, maison du XVII° siècle au décor riche-


- 171 rue Beauvoisine, maison du XVII° siècle au décor simple -

XVIII siècle : N° 82. 


Au début du siècle, on imite l’architecture de pierre en incurvant le linteau des fenêtres et en arrondissant les angles des maisons situées à un carrefour (N° 82). A la fin du XVIII°, le décor de bois sculpté disparaît. On badigeonne uniformément en gris clair les bois et les plâtres et on commence à revêtir les façades d’un enduit de plâtre.

Le dessin d'Alain GASPERINI montre aussi bien bien l'évolution du système de construction entre le XVII° et XVII° siècles, avec notamment "la décharge couplée" qui permet de mieux répartir le poids des charges et donc d'agrandir la construction.


-Rue de la Pie, maison natale de Pierre Corneille-
- 54 rue des Bons-enfants, maison du XVIII° siècle
-Superbe maison, rue Martainville-
-Dessus d'une porte rue Cauchoise-


XIXème siècle.

-Un bel exemple : 32 rue Orbe à Rouen fin du XVIII° et du XIX siècle-
Les maisons à pans de bois continuent à être construites mais, dès l’origine, elles ont été conçue pour recevoir un enduit de plâtre orné d’une modénature classique copiant l’architecture de pierre. Cette structure en pan de bois étant destinée à être dissimulée,  elle est très souvent réalisée avec des bois maigres et un dessin très négligé. Il est donc illogique et inesthétique de mettre à nu ce type de pans de bois. La plupart des maisons de la rue de la République sont de ce type. 


Beaucoup de ces maisons sont en pans de bois recouverts de moulures en plâtre imitant la pierre.



XXème siècle
.




Remarquer une maison très différente : l’agence commerciale du ferronnier Ferdinand Marrou (1902) au N° 70. Le Style Art-déco l'emporte au début du XX° siècle. Cette maison fut la devanture de son savoir faire remarquable. 
A voir aussi rue Verte , près de la gare rive-droite, sa demeure dont la façade en bois sculpté et en pièces  métalliques martelées est un chef-d’œuvre à ne pas manquer.



Actuellement l'architecture remet au goût du jour les maisons en bois. Ma fille en a fait construire une : très agréables à habiter ces maisons permettent à toutes les innovations de s'exprimer avec goût et hardiesse. Peut-être faudra-t-il que je leur consacre un article ?

Voila, mon article est bouclé, sauf pour les photos car il faut que je les reprenne toutes avec mon nouvel appareil qui me permettra de recomposer cette page ultérieurement.





GARE RIVE DROITE

-Le beffroi et l'horloge en restauration (Rouen)

En 1945, je débarquais sur un quai de la gare rive gauche de Rouen venant de Lyon, le pont traversant la Seine ayant été bombardé par les Alliés.


 Cette ville m'a pris et je l'aime et c'est donc avec la passion pour ses trésors que je vous accompagne pour en soulever les voiles de ses mystères. 

Singulière gare ! Dans le hall des pas perdus le 19 mai 1945, les rouennais sont venus danser corps à corps pour célébrer la fin de la guerre. Imaginez les drapeaux tricolores, l'orchestre et la joie du peuple après les tragédies des bombardements. des déportations, des rationnements alimentaires, de la peur au ventre après quatre ans d'occupation nazi. 

Cette gare était alors le seul bâtiment intact assez grand pour accueillir cette foule exubérante,la ville étant aux trois quarts en ruine.

Je n'étais que l'enfant d'un couple d'immigrés lyonnais prenant racine en Normandie et cette gare m'est donc chère au coeur, car elle symbolise mon enracinement normand.


-Gare SNCF (Rouen)


C'est le bâtiment symbolisant dans le style "Art Nouveau" la révolution industrielle d'avant la première guerre mondiale. Les statues des cheminots portant leur sacs de charbon sur les épaules rappellent  leur condition d'alors et les luttes sociales qui n'ont plus rien à voir avec notre époque. 

Cette gare permet la liaison de la Paris Saint Lazare à celle du Havre et a donc une importance considérable dans le développement économique, industriel et culturel de tout l'axe de la vallée de la Seine.

-Une des plus belle gare de France-

La Gare de Rouen est inscrite à l'inventaire des Monuments Historiques car elle est représentative de l'art de construire au début du XX° siècle avec un décor de pierres de taille trahissant l'éclectisme de l'Art Nouveau en empruntant au vocabulaire ecclésiastique, avec son beffroi-clocher, son hall-nef et sa galerie-déambulatoire. 


Son architecte, Adolphe Dervaux (1871-1945) s'inscrit  dans les aléas d'un chantier titanesque (1912-1928) avec le percement de deux long tunnels et la recherche pragmatique pour le côté rails. Il est également l'architecte de la belle gare de Biarritz réalisé dans le même style.

Dans le hall, remarquez deux grandes peintures murales de Savary, un de mes professeurs à l'école des Beaux Arts de Rouen.

-Plaque commémorative de l'inauguration de la gare (Rouen)-

- La place de la gare en plein chantier de réaménagement (Rouen) -

- Le Style art-déco -

- Allégorie des chemineaux -



-Allégorie de Rouen : 2 fresques de Savary (Rouen)-

-La façade art déco (Rouen)-
- Hall des pas perdus (Rouen) -

-Fer forge art déco (Rouen)-

-Invitation au voyage (Rouen)